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une maison

 

 

 

Elle est venue pour la saison des échalotes et elle est restée. Dans un sourire, un rire, elle dit, même si c’est difficile.  Elle me montre ses mains, elle fait bouger les poignets, elle masse les articulations. C’est là que ça fait mal. Elle m’emmène sous les tunnels en plastique des semis. Au début elle a dormi dessous. Elle énumère les noms des légumes, choux-fleurs, brocolis, carottes, oignons, pommes de terre. Elle s’applique. Ce sont ses premiers mots français.

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Elle appelle son chien, Tico, Tico, il arrive en sautant et grimpe dans le camion.  Elle ouvre la porte latérale, j’aperçois un matelas surélevé, des caisses, des tissus. Elle dit, c’est mon camion-maison. Elle se penche vers moi, elle murmure, j’ai peur de la fatigue, de la routine, qui ferment l’esprit.

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Elle regarde sa fille et elle rit. Elle dit, c’est un cadeau du ciel, on ne l’attendait pas, elle est née dans une église. Elle dénoue son foulard, le fait glisser, elle le réajuste, le renoue. Un instant dans ce geste, elle laisse échapper ses cheveux. Elle ajoute, il faisait très froid dans cette église, on dormait avec tous les vêtements, avec les manteaux, on dormait comme des animaux.

 

 

 

Elle éclate de rire, on a eu neuf maisons, mais ça n’était pas des maisons. Elle énumère les hôtels, les centres d’hébergement. Et dans la journée, on marchait. On marchait sous la pluie.

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Bientôt ici il y aura sa maison. Pour l’instant c’est un chantier. Elle me montre le tas de papiers posé sur une table. Elle dit, ce sont tous les papiers qu’il faut pour la vie normale. Tous ces papiers à ne pas perdre. Ceux pour la maison. Pour l’achat. Pour les travaux. On a eu du mal à comprendre. On a signé, on avait peur. Maintenant on dort là.

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