Où a-t-il laissé son enfance ? Sans doute dans ce parc, puisqu’il insiste.

Dehors un enfant court qui ne sait rien. L’herbe semble crissante. Les ombres s’allongent. Il aimerait que l’enfant se retourne, il aimerait voir son visage, il aimerait l’arrêter, le retenir.  Mais l’enfant court, s’enfuit, jambes nues dans les herbes hautes, et disparaît, dans des odeurs d'eau, de terre, d'arbres. Les odeurs de l'enfance. L' enfance immense qui n'en finit pas de passer ses mains sur les écorces rugueuses. Persistance des écorces. Persistance du rouge sur les mains écorchées. Persistance de... L’eau se trouble. Au pied des rochers les carpes  fraient avec des mouvements lents. La brume se lève. La barque chargée de bois glisse sans bruit. Des sangliers passent, traversent le lac à la nage. Un vol de canards sauvages s'élève de l’anse Saint Martin et assombrit le ciel. Froissements d’eau.  Tout murmure. L’herbe craque. Il entend. Des pas dans les feuilles sèches.  Des aboiements de chien. La voix du père, et celles des frères au loin. Il court, traverse les bois, traverse aussi les jours, les années, court et cherche, longe les berges, s’assoit sur les pierres chaudes. Les grands arbres tournoient. Il se doute bien que rien n’est vraiment à sa place.